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Texte n°4

Narrateur : Barbe-à-papa, de son véritable nom Mortimer, était un homme d'âge moyen, ventripotent, moqué de tout le village.

Villageois 1 :  Regardez-le, il a encore du sucre dans la moustache...

Villageois 2 : Oui, on dirait qu'il s'est encore goinfré de beignets ; quand même, il pourrait faire un peu attention, de quoi avons-nous l'air après? Un petit bourgeois laid et court sur patte. Il nous fait honte...

Narrateur : En raison de sa gourmandise et de son extravagance, il ne trouvait aucune femme à qui se marier malgré la colossale richesse dont il disposait. Confiseur de renommé, il voyageait souvent pour enseigner, ou confectionner lui-même, ce qui ne le rendait que plus détestable pour le village, puisque ce dernier n'était pas très aisé. Toutefois, la richesse que Barbe-à-papa possédait servait, majoritairement, à préparer de looongs et fastiidieuuux banquets où de nombreux mets raffinés étaient dégustés.

Villageois 1 : Vous rendez-vous compte? Déjà qu'il se comporte comme un riche, nous qui n'avons rien à part nos champs...

Villageois 2 : Il essaye de nous appâter avec ses délices, comme s'il voulait nous engraisser comme des oies...

Villageois 3 : Des rumeurs circulent comme quoi ils auraient gaver ses anciennes femmes jusqu'à ce qu'elles explosent...

Narrateur : Car oui, comme en témoignait son apparente bonhommie, les sucreries passaient avant le reste, et il ne désirait de femme que dans l'intérêt public, pour faire taire les ragots de bonnes femmes. 

Et non, sa vie n'était pas rose, rose comme les fraises tagadas qu'il adorait grignoter.

Mais son destin allait prendre une tournure intéressant... Pour une fois( d'un air taquin) . Un jour, alors qu'il présentait un énièèèèèème festin, une jeune femme d'un autre village vint à sa rencontre. Ouverte et charmante, elle ne tenait pas rigueur de l'épicurisme de Barbe-à-papa puisqu'elle-même croquait la vie à pleine dents. Ils préparèrent ainsi ensemble d'autres événements similaires qui finirent par attiser la curiosité de certains villageois. Et à partir de ce jour, ses banquets furent de plus en plus fréquentés. 

Villageois 1 : En vérité, il n'est pas si hautain qu'il en a l'air...

Villageois 2 : Effectivement, nous nous sommes fourvoyés en l'accusant de gourmet sans âme... 

Villageois 3 : Nous allons devenir des baudruches...

La jeune femme : Et puis lorsqu'il se met au travail, il a une allure toute candide, son front plissé (Narrateur : Plein de sueur) quand il est concentré est adorable. Bon d'accord, ce n'est pas un Apollon, il est un peu replet mais ça lui donne un air de nounours en guimauve. Hmmm guimauve... Et il est toujours gentil et tendre avec moi, je devrais peut-être tenter ma chance...

Narrateur : Peu de temps après, elle emménagea chez lui, qui très vite lui confia les différentes facettes de son gîte : les tâches ménagères, son emploi du temps, et bien entendu les clés qui ouvraient les différentes chambres ; toutefois, il la mit en garde : 

Barbe-à-papa : Mon sucre-d'orge, tu sais combien je déteste te donner des ordres, mais je préfère prévenir que guérir : tu peux accéder à toutes les chambres et pièces de la maison, hormis à mon cabinet.

La jeune femme : Mais pourquoi, chou à la crème?

Barbe-à-papa : Il s'agit d'un secret professionnel.

Narrateur : Quelques jours après, il s'absenta pour quelque "urgente" affaire et partit de la maison avec une valise chargée de gourmandises. Avant de quitter son logis, il prit soin de rappeler à sa compagne de ne jamais, en aucun cas, ouvrir son cabinet. Elle lui promit. Mais une fois, le seuil de la porte franchi, sa conviction faiblit, de telle sorte qu'elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer tout ce qui pouvait se trouver derrière.

La jeune femme : Dieu que je m'ennuie... Sans compter le peu d'intérêt de cette maison. En plus, le filou n'a rien laissé dans le réfrigérateur en partant pour que je puisse un peu m'amuser. Non rien, hormis cette fichue porte qui m'obsède... 
Narrateur : Obséder, oui, c'était bien le mot. Il n'allait plus falloir longtemps pour que cette obsession lui fasse briser sa promesse. Quelques heures de solitude seulement.
La jeune femme : Mais quelle est cette odeur qui embaume ma maison? Je ne l'avais encore jamais sentie, mais elle m'est familière... Il me semble qu'elle vient de... Ce doit être ma curiosité qui me travaille... Et pourtant, non, c'est bien du sucre caramélisé que je sens... Et ... Du... Cramé? Je ferais probablement mieux d'aller voir par moi même, si quelque chose brûle, c'est une question de sécurité.
Narrateur : Tu parles Charles. Son prétexte enfin trouvé, la jeune femme n'attendit pas d'avantage et se précipita pour ouvrir le fameux cabinet.

Changement de décor et de luminosité. Il s'agit désormais d'une pièce assez mal éclairée où fonctionne une grosse machine et où sont entreposées des vivres.

La jeune femme : Eh bien, si je m'étais attendue à cela... Mais j'avais raison, quelque chose brûle ici.
Narrateur : Effectivement. Toujours mû par son "souci de sécurité", elle sortit de l'étrange four ce qui avait commencé à y roussir.

Le narrateur s'approche et s'intéresse au gâteau.
La jeune femme : Quel étrange gâteau... Eh, mais il coule!
Narrateur: Et pas qu'un peu! Tout ce ce coulis fraise!... Eh, elle m'en a mis plein les pompes! Je dois reconnaître que ça sent rudement bon. Tiens, file-moi donc un morceau. Hum...
La jeune fille : Hum! Étonnant cette alliance!
Narrateur : C'est subtile hein? Assez riche...
La jeune femme : Un peu boisé en même temps. De l'amande sans doute.
Narrateur : Un fond de café aussi non?
La jeune femme : Non. De l'amande amère, mais pas de café. Ca se marie bien avec la fraise...
Narrateur : Bien sûr, si tu le dis... Mais je ne trouve pas de note de fond...
La jeune femme : C'est vrai. Et c'est dommage. On sent essentiellement le sucre... Il faudrait en enlever un peu, et rajouter un peu de vanille... Peut être une crème à la place de la confiture, ce serait plus onctueux...
Narrateur: Oh, à chacun son travail hein.

Le narrateur s'éloigne à nouveau.

Narrateur: Ainsi, la jeune femme dégota près du four la recette de ce gâteau presque parfait, mais pas encore idéal. Elle se mit à travailler avec la grande batterie de matériel que son époux entreposait. Elle travailla longuement, et après une tripotée d'essais, elle parvint à créer la Sublime Recette. Fière de son travail, elle quitta l'atelier, le sourire aux lèvres. Mais alors qu'elle fermait le laboratoire,  elle entendit s'ouvrir la porte d'entrée.

Barbe-à-papa : Snif snif... Je crois humer de la vanille...
La jeune femme : Chou à la crème? Tu es déjà rentrée?
Barbe-à-papa : Oui, mais je sens que quelque chose a changé ici.
La jeune femme : Non mon amour, tout est exactement comme le jour de ton départ.
Barbe-à-papa : Si tu le dis mon sucre d'orge. Enfin, je suis heureux d'être à la maison. Est-ce-que je pourrais récupérer les clés s'il te plaît?
Narrateur : Ah, la voilà bien notre vilaine petite menteuse, avec ses doigts pleins de confiote et ses clés qui pèguent. Mais elle ne pouvait  pas les cacher bien longtemps. Alors, la boule au ventre, elle lui tendit le trousseau.
Barbe-à-papa : Elles collent n'est-ce-pas?
La jeune femme : Non mon chou à la crème. Tu devais avoir du miel sur les doigts, comme l'autre jour. T'en souviens-tu?
Barbe-à-papa : Mais le miel ne sent pas la vanille, ai-je tort?
La jeune femme : Non mon chou à la crème. Mais ma crème hydratante, elle, oui.
Barbe-à-papa : Sent-elle aussi la fraise? La fraise des bois? La fraise des bois de la forêt près de chez moi? Sent-elle précisément la confiture que j'ai conçu le mois dernier?... Tu es allé au laboratoire, n'est ce pas? Tu m'as désobéi comme toutes les autres!
La jeune femme : Je ne voulais pas... Mais tu avais laissé le four allumé, et ta préparation avait commencé à brûler...
Barbe-à-papa: Je n'en crois pas un mot! Jamais je n'aurais fait cette erreur! Tu voulais savoir, tu voulais aller voir ce qu'il y avait derrière la porte! Tu voulais voir? Eh bien, suis moi, et je vais te montrer! Je vais te montrer les clés de mon succès!
La jeune femme: Je m'excuse mon chou à la crème! Je suis désolée! Je ne voulais pas, mais ça brûlait! Je suis désolée!
Barbe-à-papa: Tu ne sera plus désolée pour longtemps ma chère.
Narrateur : Eh, mais il la brusque! Lâche la gros-cul!

En intervenant, le narrateur bouscule Barbe-à-papa qui glisse sur du coulis et roule jusqu'au four. Le narrateur referme le four aussi-tôt.
La jeune femme : Il vaaa...
Narrateur : Oui, si on l'y laisse assez longtemps.
La jeune femme: Et tu crois qu'il m'auraiiit...
Narrateur : Sans aucun doute.
La jeune femme : Eh ben tu vois, celle là, je ne l'aurais pas vu venir...

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