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Texte n°3

— Ah je suis bien aise de te voir gisant dans cette situation.

— Messire... Vous m'avez pris au dépourvu...

— Comment Diable as tu finir ainsi? Moi qui te tenais pourtant en égal, en frère d'idées. Nous aurions pu nous offrir le monde, et te voilà pourtant, croulant sous les immondices, empestant la ruelle.

— Certes ; j'ai eu pris des décisions radicales à une époque : j'ai échoué, et je paye aujourd'hui le prix de mes erreurs. Mais je suis tout de même fier du chemin parcouru. Je ne regrette rien. (courte pause) Et puis, Messire, si l'adage dit que l'argent n'a pas d'odeur, vous l'avez désormais réfuté...

— Comment dis-tu?! Ma toilette ne convient pas à un manant de ton espèce?! Pour qui te prends-tu? Tu n'es rien. Rien ! Tu lèches la poussière qui crotte mes souliers tandis que j'évolue dans la plus hautes sphères d'influence. Tout le monde me veut, me désire. Je suis parfait, m'entends-tu?!

— Vous êtes gras de votre succès, Messire ; vous pouvez pavaner autant qu'il vous plaît, votre âme ne s'est, elle, pas élevée. Mon bien-être ne repose plus désormais sur des possessions éphémères. Je n'ai besoin que d'exister et rien d'autre. Mon sort fait fléau en l'existence des Hommes et puisqu'ils m'exècrent, je les grandis, je leur insuffle l'ambition nécessaire pour se dépasser, pour ne pas terminer comme moi, misérable. (pause avant le crescendo) Qu'avez-vous fait, vous Messire, pour les autres, hormis créer le clivage? Les avez-vous nourris, tous ces hommes, ou plutôt affamés? Pourtant n'ont-ils pas contribué à votre réussite? Je les vois chaque jour passer, trépasser pour vous gaver toujours plus. Vous ne donnez Rien, mais prenez Tout.

— Vaurien, va-nu-pieds, mendiant, tes mots ne signifient rien, tu es vide de sens. Regarde-toi donc, tu te berces d'illusions si tu crois offrir plus aux autres que ma personne. Ces hommes sont heureux, vivent grâce à moi. Reste donc à ta place : à savoir plus bas que la vermine.

— Bien entendu, vous les rendez heureux. Un bonheur matériel, superficiel que vous entretenez pour votre profit. Il n'est pas question d'altruisme dans vos actes et vous le savez mieux que personne. 

— Sale petit rat...

— La véhémence de vos propos n'est que le reflet de votre impuissance...

— Tu... tu...

— Je me fourvoie peut-être? Qui est celui d'entre nous qui n'a plus d'idées, qui est à bout de souffle? Allez, circulez maintenant. Vous obstruez la vue.

— Mais quelle vue?!

— L'avenir.

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