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Texte n°1 :

S’étalait devant mes yeux un cosmos dont j’ignorais tout. Mon entrée dans ce nouveau monde se fit dans la plus grande des violences : les gens se méprisaient, me piétinaient, alors que l’ombre-même des édifices titanesques les écrasaient.

Je me pinçai un instant pour être certain d’être bel et bien réveillé. Aïe.

Retour éclair dans cette foule qui m’oppressait.

Je cherchai un repère et j’aperçus au loin une pointe immaculée, parabolique qui jaillissait de terre. Elle semblait m’appeler ; je la poursuivis sans pourtant parvenir à l’atteindre. On me bouscula, on me pressa, et je heurtai par mégarde un homme étrangement vêtu. Un grand manteau noir d’où dépassait au sommet un chapeau de feutre, qui glissa dans une poche de mon veston une carte d’invitation où étaient inscrits les mots : « Suis les coruscations du soleil: ta quête ne fait que commencer. »

Texte n°2 :

 

Le voile crépusculaire tomba. L’heure de la rencontre fût fixée pour cet instant. Ce funeste moment où tout pouvait basculer, péricliter. Moi, le démon, la Terre. Les trois peut-être.

Mon pantalon, maculé de la bourbe dans laquelle nous avions rampé tout le jour durant, me semblait gluant. L’endroit choisi empestait l’ichor putréfié des troncs moisis. Ne restaient plus que les cadavres décharnés des arbres, rongés par le limon corrosif du démon.

Sa silhouette se profila enfin dans les nappes brumeuses des alentours, et avant même d’avoir pu prononcer un mot, mes pieds furent pris dans des sarments ; il me saisit par le col de ses bras informes pour m’attirer près de ses iris glaciaires qui me dévisagèrent prudemment.

La pression des entraves végétales s’accentua et je laissai fuir une plainte on ne peut plus humaine.

La banalité du personnage n’avait donc été qu’une façade. Une impitoyable farce orchestrée afin de me tendre cette embuscade. Il n’avait jamais été question d’une reddition.

L’aura hagarde qui se dégageait de tout son être contrastait avec tout ce que j’avais pu admiré jusqu’alors. Autant il émanait de ses comparses une cruelle dévotion pour le massacre, une accointance qu’on pouvait lire dans la fournaise que formaient leur prunelles ; autant lui… lui possédait un calme glaçant, envoûtant, éreintant.

Ses yeux céruléens sondaient mon âme à la recherche de quelque traîtrise, d’une lueur de révolte, mais en mon for intérieur, je n’aspirai qu’à une mort prompte.

Il me libéra pourtant d’un geste las des constrictions et me reposa au sol.

Sain et sauf, je reculai dans un mouvement réflexe qui n’eût aucunement l’air de le troubler. Je dégainai mon arme à feu et m’apprêter à tirer lorsque le brouillard opaque s’épaissit soudainement.

Mes balles fusèrent sans atteindre leur cible qui s’évapora dans les frimas, tirant sa révérence d’un rire sans âme.

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